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Digitalisation de la santé : Où en est l'hôpital ?

L’hôpital est en crise ! Jusqu’ici, rien de nouveau. Pourtant, ce ne sont pas les innovations locales visant à améliorer notre système de santé qui manquent. Mais alors où en est-on ? Combien d’années faudra-t-il à la digitalisation pour se diffuser largement et s’ancrer dans les usages des professionnels de santé et des institutions publiques ?

La multiplication des acteurs et des solutions 

Si la pandémie a mis un coup d’accélérateur à la télémédecine, depuis plusieurs années, l’écosystème de santé numérique ne cesse de se développer, redoublant de solutions pour répondre aux besoins des patients et des professionnels. De nombreuses startups ont choisi le créneau de la e-santé et collaborent avec les hôpitaux autour de projets communs afin d’élaborer les outils les plus efficients pour la prise en charge et les soins des patients.

L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a notamment créé le Hub Innovation afin d’encourager les projets des professionnels des 38 hôpitaux du réseau, peu importe qu’ils soient réalisés en interne ou co-construits avec des structures externes (startups, industriels, universités, chercheurs, institutions, patients, proches, aidants, etc.).

Par ailleurs, en étant moins curative et plus préventive, personnalisée et participative, la e-santé améliore la qualité des soins tout en réduisant les coûts. Dans cette optique, le Dr Dougados, médecin Rhumatologue à l’Hôpital Cochin, insiste sur l’intérêt de l’inclusion du patient dans son parcours thérapeutique et de l’y sensibiliser, en particulier dans le cadre de maladies chroniques. « Dès lors que vous embarquez un patient dans sa prise en charge, vous améliorez obligatoirement sa maladie. Les maladies chroniques sont des pathologies qui vont naitre et persister dans le temps, pendant plusieurs décennies. Il n’y a pas que la rhumatologie mais aussi la diabétologie, l’hypertension, l’insuffisance cardiaque, la sclérose en plaque, les maladies du tube digestif… Pour toutes ces pathologies chroniques, on va généralement essayer de réguler plusieurs aspects. Le premier, c’est informer le patient sur sa maladie et ses traitements, le deuxième, c’est l’impliquer pour le suivi de sa maladie, avec des outils qui vont lui permettre de le faire lui-même. Ce qu’il faut néanmoins, c’est former le patient physiquement, en présentiel, à l’usage de ces outils. C’est indispensable de lier le présentiel et le digital ».

Formaric : Le digital au service des patients et des professionnels de santé 

Porté par les équipes de l’Hôpital Cochin et Observia[1] , le projet Formaric vise à l’amélioration de la prise en charge des patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) grâce à une plateforme de formation et d’information à destination des patients et des professionnels de santé. « Elle donne accès à une information simplifiée mais validée par des professionnels. La plateforme est assez ludique pour comprendre aisément les enjeux, les pathologies et les traitements qui sont parfois complexes » explique Ornella Conort, pharmacienne hospitalière à l’hôpital Cochin et responsable du projet Formaric au sein de l’hôpital.

À travers des questionnaires d’auto-évaluation mis à la disposition du patient sur la plateforme, celui-ci peut faire le point sur ses connaissances et sur sa pathologie de façon autonome. En fonction du résultat obtenu, des recommandations personnalisées lui sont proposées pour l’aider à approfondir les thématiques sur lesquelles il se sent moins à l’aise.

En effet, dans le cadre des maladies chroniques, l’Education Thérapeutique du Patient (ETP) consiste à fournir au patient les connaissances et informations nécessaires sur sa maladie afin d’améliorer sa qualité de vie. Grâce au digital, le patient peut consulter chez lui, ou partout ailleurs (hors des murs de l’hôpital), des informations personnalisées pour lui et ainsi acquérir des connaissances lui donnant les moyens d’adopter les bonnes habitudes de vie pour mieux vivre avec sa maladie.

De plus, comme l’explique Ornella Conort, la digitalisation de la santé est également une réponse à la pénurie de professionnels. « Cela vient combler un manque car aujourd’hui, le patient n’a pas rapidement accès à des spécialistes. Le support est digitalisé mais ce n’est pas qu’une plateforme sur ordinateur, on la retrouve sur tablette et sur Smartphone. Cet outil permet de délocaliser l’information. On peut donc s’auto-former partout ». Du côté des professionnels de santé, l’enjeu est de réduire le temps passé sur des tâches chronophages et sans valeur ajoutée pour les patients (administratif, organisation, recherche d'informations dans les dossiers patients...) pour que les soignants puissent passer plus de temps de qualité avec eux (les écouter, comprendre leurs besoins, leur transmettre les informations clés selon leur profil, etc.).

Favoriser une collaboration pluri-disciplinaire et la convergence ville-hôpital

Aux côtés de l’information et de l’inclusion du patient dans la prise en charge de sa maladie, Formaric a pour but d’optimiser la communication entre les professionnels de santé, « notamment de faciliter la communication entre le service hospitalier, en particulier les pharmaciens cliniciens de l’hôpital, et le pharmacien d’officine qui est un personnage clé du parcours thérapeutique car dans le cadre des RIC, nous, médecins, on ne voit les patients que tous les 6 mois à un an alors que leurs pharmaciens échangent avec eux tous les mois » détaille le Dr Dougados.

En améliorant la collecte et le partage des informations, la digitalisation permet aussi de sécuriser et d’adapter rapidement et efficacement la prise en charge du patient. Par exemple, dans le cadre du projet Formaric, les courriers de liaison ne sont pas simplement numérisés. En fonction du profil du patient et du destinataire du courrier, les informations sont personnalisées (selon la pathologie, les traitements, les scores à certains questionnaires, la profession du destinataire...). « Cela offre la possibilité de mieux préparer sa venue en consultation » (Ornella Conort).

Une transmission des informations entre professionnels de santé particulièrement importante dans le cadre de pathologies chroniques telles que les RIC car « on travaille de façon pluridisciplinaire. On a donc besoin d’échanges entre les différents partenaires de santé au sein de l’hôpital mais aussi avec nos partenaires de ville (pharmaciens, médecins traitant, rhumatologue, psychologue, etc.) et l’outil informatique, grâce à une plateforme sécurisée, nous permet de créer ces nombreux liens. C’est pour nous, professionnels, synonyme de beaucoup de souplesse, de fluidité du parcours de soin avec pourtant beaucoup d’acteurs » détaille la professionnelle.

Renforcer le lien entre la ville et l’hôpital, c’est aussi permettre à tous les professionnels de santé d’offrir la meilleure prise en charge à leurs patients en ayant accès à des outils de formation. C’est en ce sens que la plateforme Formaric se propose d’être un portail d’informations claires, validées par des professionnels spécialisés à destination des professionnels de santé permettant de leur fournir des réponses à des questions très précises et de s’auto-former. « Dans les RIC, le patient va être confronté tout au long de sa vie à divers professionnels de santé qui n’ont pas forcément le temps, ni l’envie de se familiariser ou de se former en rhumatologie. Pourtant, ils auront, à un moment ou à un autre, besoin de connaissances pour savoir adapter leur pratique et ne pas nuire à la bonne prise en charge du patient » ajoute Ornella Conort.

En favorisant la transversalité, en tissant des liens entre les différents acteurs de santé et leurs diagnostics, en améliorant les interactions entre les professionnels de santé et le patient et en optimisant son implication tout au long de son parcours de soin, la digitalisation permet une prise en charge plus globale et donc plus efficiente.

Dans le même esprit que Formaric, la plateforme interactive et pédagogique Atoutcoeur propose des programmes d’éducation thérapeutique personnalisés pour améliorer la vie des patients en réadaptation cardiaque et les aider à adopter des habitudes plus pérennes. Lancée en 2016, fruit d’une étroite collaboration entre le service de réadaptation cardiaque de l’hôpital Léopold Bellan et Observia, cet outil à destination des équipes soignantes et des patients a montré d’excellents résultats. Une étude réalisée en 2022 sur 1198 patients ayant utilisé la plateforme a démontré une amélioration globale de la qualité de vie des patients de 2,8 points[1]. 6 ans après son lancement, 98,4% des patients utilisant la plateforme se déclarent satisfaits ou très satisfaits du programme. Du côté de l’équipe soignante, « aujourd’hui parfaitement intégré dans les usages de notre service, Atoutcoeur constitue un outil de travail et de coordination apprécié par tous et participe à l’amélioration continue de la prise en charge de nos patients en réadaptation cardiaque » témoigne Kamel Abdennbi, cardiologue et chef de service réadaptation cardiaque à l’Hôpital Léopold Bellan.

Sortir du pilote pour créer des standards

À l’image du projet Atoutcoeur, de nombreuses solutions existent localement dans les hôpitaux et démontrent leur efficacité. De plus, les initiatives nationales ne cessent de fleurir pour développer et promouvoir la e-santé française telles que la French Care ou PariSanté Campus. Des initiatives auxquelles s’ajoutent des mesures gouvernementales comme le Ségur de la santé qui a pour vocation la modernisation et l’amélioration du système de santé français. Celui-ci prévoit notamment 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé afin d’améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants, dont 50 millions d’euros par an (400 millions d’euros sur la période 2021-2028) consacrés au soutien et à la relance de la recherche française et 600 millions d’euros au développement massif du numérique pour rattraper le retard accumulé au fil des années.

Pour le Dr Dougados « les initiatives et les solutions numériques se multiplient mais manquent de structure pour se diffuser à travers le tissu hospitalier. Le besoin de centralisation et de communication entre les divers outils est indispensable. Si pour accéder aux résultats d’un patient il faut se rendre sur différentes plateformes, on perd 5 minutes à chaque fois, des minutes précieuses durant lesquelles on ne discute pas avec les malades. Il va falloir que la digitalisation trouve un moyen d’être plus ergonomique car aujourd’hui, avec tous ces outils différents, c’est trop compliqué ». La solution ? Créer des logiciels interopérables permettant de récupérer les bonnes informations, au bon moment, pour le bon professionnel et de faciliter leur transmission à d’autres logiciels. Le Dr Dougados ajoute : «  bien évidemment, ces outils posent la question de la sécurité et de l’appartenance des données ».

 

La sécurité des données, un enjeu crucial pour la e-santé. Un enjeu auquel Observia est particulièrement attachée. Depuis 10 ans déjà, la société remplit tous les critères de sécurité grâce à son expérience et son expertise lui permettant de bien connaitre le cadre légal de la protection des données (RGPD par exemple). Observia s’est notamment dotée d’une DPO (Data Protection Officer) certifiée par l’AFNOR et toutes les données détenues par la société sont hébergées par ATE, agréé données de santé.

Pour conclure, le Dr Dougados met en garde sur le caractère éphémère des outils proposés et la nécessité de les élaborer en co-construction avec tous les professionnels de santé. «  Généralement, les gens sont fiers d’élaborer un nouveau logiciel, mais ils oublient toujours les étapes d’après qui sont l’évaluation, la dissémination, l’implémentation et la mise à jour. Si on n’y pense pas dès le début, ça ne peut pas fonctionner. La pérennisation de l’outil est capitale pour l’avenir afin d’éviter qu’il ne disparaisse au bout de 6 mois. Puis, lorsque l’on créé des solutions, il ne faut pas oublier d’embarquer les professionnels de santé dès le début. Par exemple, dans le cadre de Formaric qui est élaboré à Paris, si on ne pense pas à impliquer les médecins, mais aussi ceux qui voient les malades beaucoup plus souvent comme les pharmaciens d’officine en régions, quand on leur proposera l’outil ensuite, ils auront plus de difficultés à y adhérer que si on les sollicite dès le départ ».

Le virage numérique du système de santé est en marche et ce ne sont pas les projets et les solutions qui viennent à manquer. La dynamique nationale est bien présente, comme le montre la mise en place de Mon Espace Santé. Mais pour devenir pérennes et profiter à l’ensemble du système de soins, les initiatives locales doivent être soutenues dans la durée, notamment via des relais financiers locaux, au plus près des besoins du terrain.  Un effort de structuration avec la mise en place d’un cadre est également indispensable pour que le digital puisse se déployer plus largement dans les institutions.

Aujourd’hui, l’heure est à l’accélération et à l’intégration des éléments clés d’adoption par les différents acteurs : les outils doivent être interopérables et faciles d’usage pour séduire les professionnels de santé, mais aussi garantir la sécurité des données de santé pour rassurer les patients.

De nombreuses innovations ont démontré leur valeur pour l’ensemble des parties prenantes, et l’utilité du digital en santé n’est plus à prouver. Généraliser son usage, ce serait permettre à chaque professionnel de santé de profiter de ce que la digitalisation peut lui offrir, et améliorer réellement la prise en charge de ses patients. 

 

[1] Questionnaire SF12, étude Observia 2022

[1] En partenariat avec le Resah, la Région Ile-de-France, BPI France et Medicen

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