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E-PRO : renforcer la relation entre patients et professionnels de santé

Avec l'omniprésence croissante des smartphones et la demande de plus en plus forte de temps des soignants, il est inévitable que les soins de santé continuent à se digitaliser. Cette évolution présente de nombreux avantages, notamment une plus grande accessibilité et une utilisation réduite des ressources, mais il est important de prendre en compte les défis potentiels qui l'accompagnent.
L'un d'entre eux consiste à préserver la qualité de la relation entre un patient et son professionnel de santé, et à créer des liens digitaux aussi qualitatifs que les liens physiques traditionnels.
Les relations reposant sur des interactions par le biais d'une interface comme un téléphone ou un ordinateur requièrent une attention particulière pour s'assurer que toutes les parties prenantes, patients comme professionnels de santé, se sentent entendus et compris.

L'un des moyens d'améliorer et de maintenir la qualité de cette relation consiste à recueillir des données quantitatives et qualitatives directement auprès des patients. Cette stratégie, appelée Mesure des Résultats Rapportés par les Patients (Patient Reported Outcomes, ou PRO), est utilisée depuis plusieurs années pour améliorer les soins de santé. Mais son importance augmente parallèlement à la montée en puissance de la digitalisation des soins.
Cela a permis le développement d'un outil plus récent : les ePRO, c'est-à-dire les PRO mesurés par le biais de dispositifs numériques.
Peuvent-ils changer la donne en ce qui concerne la relation entre patients et professionnels de santé ? En partie, et nous allons voir comment dans cet article.

PRO, de quoi parle-t-on ? 

Les PRO sont des outils utilisés pour évaluer régulièrement les symptômes du patient, son état de santé et son fonctionnement au quotidien. Ils ne sont pas considérés comme un dispositif médical mais peuvent y être intégrés. Par exemple, aux États-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) a adopté des réglementations sur la manière dont peuvent être utilisés les PRO à l’appui des mentions légales des produits , mais elle ne les réglemente pas spécifiquement. Les PRO peuvent aller d’un simple questionnaire papier créé en interne à des fins spécifiques, à un outil numérique ayant fait l’objet d’une validation psychométrique. Dans ce cas, les plateformes intégrant un PRO peuvent suivre les patients et utiliser des algorithmes pour veiller à ce qu’un médecin soit alerté si nécessaire.

Les patients et les professionnels de santé peuvent bénéficier du partage d'informations

Pour les professionnels de santé

Premier avantage potentiel : la promesse d’une expérience de soin de meilleure qualité. Ainsi, les soignants, les infirmiers, les médecins peuvent recevoir en temps réel des informations pertinentes à propos de l’état de santé du patient. 
Imaginons par exemple un patient atteint de psoriasis. Entre deux poussées, le patient se porte bien, et il est tout à fait possible qu’il ne ressente pas de symptômes le jour de sa consultation médicale. Or, le médecin pourrait avoir besoin d’autres informations pour mettre au point le plan de traitement : à quel moment les poussées surviennent, sous quelles conditions, quel est leur degré de sévérité…

  • L’usage d’un PRO permet ainsi au professionnel de santé d’obtenir des informations sur son patient au-delà de la consultation et de proposer une prise en charge plus adéquate et précise

De la même manière, il se peut qu’un patient sous chimiothérapie orale, lorsqu’il voit son médecin, ne soit pas en mesure de décrire précisément tous les effets indésirables de son traitement.

A l’aide d’un PRO, l’équipe médicale serait alors avertie en cas d’effets sévères entre deux rendez-vous, et pourrait facilement consulter un résumé des symptômes en préparation de la consultation.

  • Un outil qui intègre des PRO permettrait au médecin d’avoir sous les yeux tout l’historique des symptômes récents du patients lors de la consultation.

Enfin, qu’elle ait lieu en physique ou en vidéo, une consultation avec un professionnel de santé est souvent courte. On compte en moyenne 18 minutes en France, moins de 5 dans les pays en développement. Par ailleurs, les délais entre deux consultations sont souvent longs.

Les PRO permettent aux médecins de préparer au mieux leur consultation, et de concentrer celle-ci sur les problèmes remontés par le patient. Par exemple, dans le cadre des suites d’une intervention chirurgicale pour un cancer du sein, le partage d’informations clés sur l’expérience de la patiente permet de lui éviter des déplacements à l’hôpital.

  • En permettant de garder un contact régulier mais à distance avec le patient, les PRO pourraient contribuer à désengorger les hôpitaux, le patient n’étant pas obligé de venir en consultation.

Pour les patients

Au moment du rendez-vous, le patient ne sait pas ou ne se souvient plus forcément de toutes les informations pertinentes à la mise au point de son traitement. Il existe un biais cognitif universel appelé « effet de saillance » : nous jugeons des évènements en fonction de nos expériences passées, et attribuons la causalité aux aspects inhabituels ou nouveaux de la situation. Ce qui est considéré comme « saillant » diffère donc d’un patient à l’autre et ne constitue pas nécessairement une information pertinente pour le médecin. Par conséquent, sans l’aide des e-PRO, les informations transmises au moment de la consultation peuvent être amoindries ou occultées du fait notamment de ce biais cognitif.

Les PRO permettent également d’atténuer trois autres biais pernicieux fréquents, qui impactent la qualité des déclarations des patients :

  • L’effet « blouse blanche » :
    • Les patients ont tendance à minimiser leurs symptômes lorsqu’ils les décrivent à leur médecin. Ils peuvent même présenter une pression artérielle et une fréquence cardiaque élevées parce que l’environnement médical les rend anxieux.
  • L’effet de récence :
    • Comme indiqué plus haut, les patients se souviennent mieux des événements récents. Ils vont avoir tendance à moins bien se souvenir de symptômes survenus 4 mois auparavant.
  • La « Peak-end rule » :
    • Comme pour l’effet de récence, les patients ont tendance à se souvenir uniquement de l’expérience la plus intense vécue lors de la dernière période et de leur ressenti à la fin de cette période, oubliant une grande partie du reste.

Daniel Kahneman, avec sa théorie du bruit, ajoute un autre élément. Des bruits, c’est-à-dire des évènements aléatoires (fatigue, heure de la journée…), peuvent être à l’origine d’autant d’erreurs que les biais cognitifs dans une situation donnée.

  • Les e-PRO permettent de jouer sur ces deux facteurs, en réduisant à la fois les bruits et les biais. Ainsi, ils constituent un outil de communication précieux qui permettrait d’améliorer la précision et l’efficacité des soins.

Ils doivent néanmoins être intégrés dans le parcours de soins sans perturber le travail des professionnels.

Par ailleurs, le patient se sent accompagné et rassuré par ce suivi régulier. Il voit que son avis est pris en compte, et qu’il est acteur de sa prise en charge, en transmettant lui-même les éléments importants de son vécu à son médecin.

Malgré tout, l’objectif de l’e-PRO n’est pas d’occasionner un travail supplémentaire pour le médecin. Il doit donc être paramétré avec un système d’alerte précis, personnalisé et non-invasif pour ne faire ressortir que les informations pertinentes.

Ainsi, le premier enjeu est d’éviter la surinformation. Il faut veiller à partager la bonne information, avec le bon professionnel, au bon moment. Par ailleurs, les patients ont besoin de se sentir écoutés, compris et respectés. Les e-PRO répondent à ces deux objectifs.

Le développement de PROs : Une tendance de plus en plus marquée

Les PRO sont adaptables et peuvent être utilisés chez des patients souffrant de maladies très différentes, y compris des troubles du sommeil et de l’humeur. Initialement pensés comme un outil psychologique, ils n’étaient pas nécessairement utiles à des fins médicales ou cliniques. Ils sont désormais considérés comme un outil capable de recueil d’informations et de suivi des patients et sont de plus en plus utilisés

Plus récemment, avec les problèmes d’accès au personnel médical engendrés par la pandémie de Covid-19, la numérisation et l’utilisation optimale des ressources médicales sont devenues une priorité dans de nombreux domaines. Cette situation, parallèlement à notre dépendance croissante aux smartphones, explique vraisemblablement la récente vague de nouveaux e-PRO.

Dans de nombreux pays, des start-ups privées et des initiatives gouvernementales se sont intéressées à l’intégration des e-PRO dans les pratiques de soins. Par exemple, en France, la Haute Autorité de Santé a publié en 2021 un rapport sur l’utilisation des PRO[i] et début 2022, le Haut Conseil de la Santé Publique a publié un rapport[ii] dressant un état des lieux de l’utilisation de ces outils de mesures en France, la comparant aux systèmes existant dans d’autres pays et formulant des recommandations basées sur les succès qui y ont été rencontrés.

Certains outils PRO ont eu un impact significatif sur la vie des patients, notamment dans le traitement contre le cancer. Le succès des PRO vient ainsi également du fait que de nombreuses études ont démontré l’impact de leur usage, comme celles menées par Moovcare ou Kaiku Health.

Une analyse de plusieurs e-PRO intégrés à des traitements contre le cancer a par ailleurs démontré une amélioration de la communication et une satisfaction globale des patients[iii]. Les e-PRO peuvent également s’avérer utiles pour améliorer les soins dans d’autres domaines. Au Royaume-Uni, le National Council for Osteopathic Research teste actuellement une application intégrant des mesures PRO.

La plateforme PRO développée par Observia

Chez Observia, nous avons développé notre propre outil PRO, en gardant en tête quelques grands principes :

Les atouts d’Observia :

  1. Nous avons collaboré avec des équipes médicales et avec des patients pour la conception. En effet, qui de mieux que les patients pour expliquer aux concepteurs les informations qu’ils sont en mesure de relever en fonction de leur traitement et de leur vie quotidienne ? De leur côté, les professionnels de santé peuvent prodiguer des conseils dans le cadre du développement de l’outil pour a) qu’il atteigne son objectif, à savoir fournir des informations utiles de manière pratique et b) qu’il puisse être facilement intégré. Les professionnels de santé sont très occupés, il est donc nécessaire que l’outil s’intègre très facilement dans leur routine pour qu’ils l’adoptent.

  2. Le deuxième principe important pour nous était la sécurité des données. Nous sommes particulièrement vigilants quant à l’utilisation des données et veillons à communiquer clairement et ouvertement sur nos politiques pour rassurer les patients.

  3. Nous accordons une attention particulière à l’optimisation de l’expérience des utilisateurs et à leur engagement par le biais de bilans et rapports, résumant les informations qu’ils font remonter. Le développement d’un outil e-PRO exige un travail approfondi sur les mécanismes de l’engagement des patients afin qu’ils utilisent l’outil régulièrement.

  4. Parce que nous savons que les tendances comportementales et les schémas mentaux ont un impact important sur les actions, nous avons intégré des marqueurs comportementaux examinant des aspects tels que la santé mentale et les motivations en plus des autres informations collectées.

  5. Nous proposons également du contenu via une intelligence artificielle, pour obtenir des informations plus détaillées. Par exemple, si un patient indique « J’ai mal à l’estomac, à 6/10 », nous suggérons automatiquement un contenu personnalisé afin d’obtenir plus d’informations ou de poser une autre question.

Grâce à la combinaison de ces éléments essentiels dans un PRO, les interactions numériques entre le patient et son équipe soignante ne sembleront pas inférieures aux consultations, mais constitueront plutôt un ajout important, s’inscrivant dans le cadre de la médecine augmentée, pour améliorer son expérience de traitement et l’ensemble de ses relations avec son équipe médicale.

[i] Qualité des soins perçue par le patient – Indicateurs PROMs et PREMs : Panorama d’expériences étrangères et principaux enseignements. HAS 2021 En ligne : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-07/rapport_panorama_proms_prems_2021.pdf

[ii] Rapport relatif aux usages et bon usage de la mesure de la santé perçue et de la qualité de vie en France : autosaisine du HCSP . Paris : HCSP, 2022, 106 p. En ligne : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1170.

[iii] Chen, J., Ou, L., & Hollis, S. J. (2013). A systematic review of the impact of routine collection of patient reported outcome measures on patients, providers and health organisations in an oncologic setting. BMC health services research, 13, 211. https://doi.org/10.1186/1472-6963-13-211

 

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